Sonate pour le saxo d’Octave ou quand le premier recueil de textes de Daniel Bernard nous transporte
Daniel Bernard est un écrivain qui vit sur l’île de Ré, un lieu où sa famille est ancrée depuis plus de 5 siècles. Après nous avoir livré 5 romans, il renouvelle ici, avec force, son « activité de silence » en plongeant sa plume dans le sable et la glaise.
« Sonate pour le saxo d’Octave ». Avec ce premier recueil de textes conçu comme une suite de scènes de théâtre, Daniel Bernard nous transporte.
Une histoire de famille et d’amours
Daniel Bernard nous dévoile la vie des sauniers et celle de son grand-père Octave avec qui il parcourait plus jeune les marais et que l’on surnommait « Le Sax ». L’insouciance de sa jeunesse, le lamento d’une seule note de son saxo, Lydia appelée « La Douce », puis la guerre qui change la donne et le temps qui passe, transformant les hommes comme les paysages.
Les liens de filiation, d’amour et d’amitié sont les racines de cette histoire. Les sentiments sont décrits, déployés, au fils des pages et des mots, nous laissant entrevoir sensualité et érotisme. Des liens tissés par un grand-père admiré de sa descendance :
« Reconstruire le grand-père le façonner de glaise, d’océan et d’oiseaux l’habiller de vent pour mieux le ranimer deux gouttes d’eau fossiles en place de ses yeux bleus devenus pierres à force de ne plus voir et un écrin de brume pour sortir son âme en crue aussi fraîche que rosée et cœur de camélia »
La symphonie des sens au service d’un voyage immobile
Chaque page de « Sonate pour le saxo d’Octave » mobilise un sens nouveau : la vue avec la description de nombreux paysages, des bords de l’océan aux marais salants. Des paysages, qui selon la lumière, nous font passer de l’angoisse à la plénitude. Des lieux qui s’amoncellent dans notre esprit comme des tableaux.
L’ouïe ensuite, avec le bruissement des herbes folles, le murmure des vagues, le grondement de la mer au loin et surtout la profondeur de la musique du saxophone d’Octave.
Et enfin, la simplicité du goût et du toucher, pour nous décrire les amours d’Octave et pour nous parler des caresses du vent salé. Des mots tendres et sensuels, précis et remarquables, pour nous faire revivre le contenu de ce recueil et nous transporter au plus près du « Sax. »
« Une lune au teint de craie ébréchée comme un bol avançait à grandes enjambées peignant les baisers du Sax comme perles de collier avec des crayons de couleur
L’horloge des marées cernait les ailes du temps de peinture verte comme celles du moulin du saunier. »
Une Ode à la nature et à la beauté d’une région
Le Fier d’Ars, l’océan, Lilleau des Niges, les marais, les digues, les pierres, les sauniers, le sel…
L’île de Ré est au cœur de chaque page, au cœur de chaque mot. Daniel Bernard nous parle d’une nature belle et capricieuse, des marais chers aux habitants de l’Ile et que les touristes méconnaissent.
Une célébration des éléments devant laquelle toute personne se sent partagée entre impuissance et admiration. L’auteur nous dévoile les paysages de son enfance, les lieux écorchés par l’homme, la violence des intempéries et aussi la tempête Xynthia. « Sonate pour le saxo d’Octave » souligne que la nature comme les êtres, la vie comme les sentiments peuvent être animés par la fureur de l’océan. « Sonate pour le saxo d’Octave » souligne que la nature comme la vie, les corps et les sentiments peuvent être abîmés par le temps qui passe.
« Fils d’une île aux rives desséchées entraînés au loin dans l’impatience du soleil il vous faudra chercher sommait le Sax là où la vague des fenouils s’érige en colline là où chaque quinzaine un marais perdu se pend à la grande aiguille de l’horloge des marées
Il vous faudra renouer avec le solstice d’été croire au désert humide au partage des eaux entre mer et clocher »
Comme le conclut Vénus Khoury Ghata, prix Goncourt poésie 2011, dans la préface de « Sonate pour le saxo d’Octave », ce sont des textes-offrande au grand-père musicien.
Des mots qui sonnent, qui transportent, qui éclairent et résonnent. Un recueil à lire comme une invitation au « voyage immobile » et à contempler la fureur du paysage.