La Tencin

Edition : L’Harmattan

Comment au XVIIIe siècle, dans les salons littéraires, une petite aventurière de province, une Messaline à la volupté automnale devint-elle une des reines de Paris ? L’auteur nous livre un portrait sans concession de celle qui s’arrogea outre le titre de marquise, celui de baronne de l’Ile de Ré. Il nous emmène sur les traces de cette intrigante femme de lettres…

ISBN: 978-2-296-99113-2

Date de parution: juin 2012

200 pages

Résumé

J’ai eu mon premier rendez-vous avec Mme de Tencin dans une petite chambre discrète au fond d’une allée, au rez-de-chaussée du logis de la baronnie de Saint-Martin-deRé.

Pour être sûr qu’il n’y ait pas de confusion possible, on avait pris la précaution d’inscrire son nom « Mme la baronne Alexandrine de Tencin » sur le chambranle de la porte entrebâillée. D’où je me trouvais, j’apercevais au dessus du lit, le décolleté plongeant de la belle salonnière. Ce fut comme une invitation à entrer. Légèrement tournée sur le côté, elle regardait fixement la fenêtre. Rien dans son attitude de papier glacé ne laissait entrevoir de l’agacement ni même de l’encouragement, tout juste un laisser-aller un peu suranné puisqu’elle était morte depuis trois siècles.

Extrait

Paris 3 janvier 1716, sous la Régence.

« Autour de la Bastille, au cœur du Marais, à Montmartre, la rumeur s’étend comme une trainée de poudre. Des caravanes venant d’Orient, chargées de soieries, de pierres précieuses, de lapis lazuli, de velours, de brocards, d’étoffes de Madras et de cachemire sillonnent, paraît-il, la route de la soie ; des chevaux festonnés jusqu’au licou attendent cachés dans des caravansérails, dans des palais de marbre, à Venise, Constantinople, Samarkand, prêts à déverser leurs fabuleux trésors sur l’Occident, annonçant une ère annonciatrice de raffinement et de plaisirs.

Échappée du ventre de Paris, une foule bigarrée converge vers les bords de Seine. Une cohue immense se forme, impuissante à ralentir sa marche, les entrailles clouées aux berges, pleines d’envie folles impossibles à tarir. Les danseurs de pavane empoignent le plaisir comme les orpailleurs la fortune. La fièvre du désir monte, attrapant les prétendants par le col.

L’audace, comme une mer d’hommes, prend les femmes par les hanches. Des argousins se mettent à rythmer un pas de gavotte, tandis que des belles dessinent des arabesques. Des milliers de rubans flottent au-dessus de leurs têtes. Certains soupirants forment dans l’air des nœuds invisibles, espérant ralentir la pantomime de ces sauvageonnes, les faire succomber et se disputer leurs faveurs ; d’autres s’éteignent d’épuisement avant d’avoir attrapé celles dont ils ne connaissent guère que le froissé du jupon.

Paris épuise sa nuit, à la torche d’une morale à moitié dénudée. Au bord du fleuve, dans le jour qui se lève, la pâle silhouette des suppliants, prêts à embarquer pour Cythère, danse encore sur les berges.
Plus rien ici-bas, ne borde le monde. »

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